C'était un de ces jours où Mateo avait le loisir d'occuper sa journée comme il le souhaitait. Il avait terminé hier la rédaction d'un scénario pour un téléfilm et il était en avance de trois jours. Il avait donc trois jours pour se vider la tête, avant d'effectuer les éventuels changement demandés par le réalisateur ou le producteur. Comment occuperait-il ses congés ? Il ne le savait pas encore. Mais, comme il n'était à Las Vegas que depuis 4 ou 5 mois et qu'il n'avait pas encore eu le temps de tout visiter, il irait sûrement se balader. Il avait entendu parler du Lake Mead, un vrai petit coin de paradis lui avait-on dit. Peut-être. Mais Mateo savait qu'un lac, aussi paradisiaque soit-il, ne remplacerait jamais l'océan atlantique que lui offrait la côte argentine, lorsqu'il habitait à Buenos Aires. Bien sûr, il avait pris lui-même la décision de venir s'installer à Las Vegas, mais il lui faudrait évidemment un certain temps pour s'adapter à ce style de vie, lui qui n'était pour l'instant pas très porté sur la fête ou les jeux. Mais il finirait sans doute par s'y habituer, il le savait.

Aux alentours de 14 heures donc, il se rendit à la plage du Lake Mead. Il faisait beau, il faisait chaud, c'était l'occasion idéale. Comme un vrai touriste, il se baladait les mains dans les poches de son short de plage, un marcel sur le dos, des lunettes sur le nez et des tongs aux pieds. Il arriva sur la fameuse plage et effectivement, l'endroit était sympathique. Cela le rendit nostalgique et d'ailleurs, au même moment, il recevait un message de son petit frère. « Cuando vienes ? » Il sourit en lisant ce message, son frère lui manquait. Seulement, il ne savait pas quand est-ce qu'il serait en mesure d'aller passer quelques jours en Argentine, alors il lui répondrait plus tard. Mateo était bien plus occupé à observer les alentours, découvrir le paysage. Mais son regard fut attiré par cette jeune femme, installée quelques mètres plus loin sur le sable. Elle s'était retournée et son visage lui avait semblé si familier. Qui était-elle ? Et puis tout sembla s'éclaircir pour l'argentin, il revint 7 ans en arrière, dans cet hôpital où Jade vivait ces derniers jours. Il reconnaissait Alana, cette jeune médecin stagiaire qui lui avait apporté tant de soutien. Quelles étaient les chances qu'ils se recroisent un jour ? Et pourtant elle était là, devait lui, et il était sûr qu'il s'agissait de cette même femme. Il aurait la reconnaître entre milles. Sans réfléchir, il se dirigea alors vers elle, convaincu et décidé. Il posa sa main sur son épaule en arrivant derrière elle et s'accroupit finalement en face d'elle, lui accordant un sourire. « Alana ? Tu me reconnais ? C'est Mateo. »

Accroupi devant la jeune femme, Mateo venait de se replonger dans ses douleureux souvenirs en revoyant son visage. Il faut dire qu'ils ne s'étaient pas vus depuis 7 ans, pourtant elle n'avait pas changé. De toute façon, Mateo n'aurait jamais pu oublier son visage. Elle lui avait tellement apporté dans le passé qu'elle faisait désormais partie de sa vie, de son histoire, de son passé. Il était d'ailleurs étonné de la trouver ici à Las Vegas. Les chances de la revoir étaient très probables, à l'époque elle était en stage en Argentine et elle semblait partie pour voyager un peu de partout pour ses études, d'après ce que Mateo avait compris. Il lui avait donc demandé si elle se souvenait de lui, car si pour lui il avait été facile de la reconnaitre, Alana quant à elle avait du en voir tellement de gens comme Mateo avec son boulot qu'elle pouvait bien ne pas se souvenir de lui. Elle sembla mettre un certain temps avant de se souvenir, l'effet de surprise peut-être, mais elle finit par lui répondre. « Oui ! Je me souviens maintenant ! Mateo le brésilien, c'est bien ça ? » Il sourit, avant de lui répondre aussitôt. « L'argentin, mais oui c'est ça. » Elle lui demanda finalement comment il allait et s'il était en vacances sur Las Vegas. « Oh, ça va plutôt pas mal, et toi comment tu vas depuis le temps ? » Il marqua un temps de pause, afin qu'elle réponde, avant de répondre à sa deuxième question. S'il était en vacances ? Non, il ne l'était pas. Il n'habitait pas à Vegas depuis très longtemps, cela faisait cinq mois uniquement, mais il habitait bel et bien cette ville désormais. « Non, du tout. Je me suis installé ici il y a cinq mois environ. Je suis bien étonné de te retrouver ici d'ailleurs, tu habites cette ville ? »

Effectivement, le Brésil n'était pas bien loin de l'Argentine. Il est vrai que Mateo aimait tellement son pays qu'il avait tenu à rappeller qu'il n'était donc pas brésilien mais argentin. Pour certains, la différence était moindre, pour lui elle était conséquente. Son pays lui manquait, énormément, d'ailleurs. L'ambiance aux états-unis était tellement différente de celle des pays latino. La vie la-bas y était chaleureuse, une ambiance caliente comme on dit. Enfin, il avait choisi de venir s'installer ici de lui-même, personne ne l'avait forcé à quitter Buenos Aires. « Oui, et puis je suppose que tu as beaucoup voyagé par la suite, non ? Il me semble qu'à l'époque, tu étais partie pour bouger durant tes études.. J'imagine que tu as du en voir des pays ou des villes différentes. » Si Mateo n'était pas retenu par son boulot, il ferait probablement le tour du monde. Certes, il avait eu la chance de beaucoup voyager durant son enfance et son adolescence, mais il y a beaucoup de pays encore qu'il aimerait découvrir.

Il l'écouta alors parler, elle était toujours dans la médecine et cela avait l'air de lui plaire malgré ce qu'elle pouvait voir et endurer dans ce métier. Mateo la trouvait courageuse. Elle avait un courage que lui n'avait pas, il savait qu'il ne pourrait supporter les familles en deuil, les graves maladies inccurables, les graves blessures et tout ce qui va avec. « C'est bien que tu ai poursuivi dans ce domaine. Tu t'es spécialisée dans un domaine ? » Puis elle poursuivit, lui apprenant donc qu'elle était native de Las Vegas et qu'elle était revenue il y a un an environ. Elle ne savait pas non plus si elle resterait ici toute sa vie, peut-être selon le travail. Mateo se savait incapable de passer toute sa vie dans la même ville. Même s'il aimerait beaucoup retourner vivre dans sa ville natale qui est Moscou, il savait qu'il ne pourrait y passer toute sa vie. Et puis, il aimait trop les pays espagnols pour s'installer définitivement en Russie, de toute façon. « D'accord! Je ne savais pas que tu venais de Las Vegas. Le monde est petit quand même.. Et donc, tu es revenue dans le coin pour le boulot, je suppose ? »

Elle finit par lui demander s'il s'était installé ici pour le boulot, lui aussi. A vrai dire, les raisons de son installations à Vegas étaient multiples. La première raison était son ambition. En effet, le scénariste qu'il était savait qu'il n'aurait pas eu une carrière fabuleuse en restant en Argentine, mais qu'au contraire les états-unis lui offraient une grande possibilité dans le domaine du cinéma. Il aurait pu viser Hollywood, oui, mais il préférait la ville de Las Vegas, et puis le vol n'était pas long de l'Arizona à la Californie. Il avait donc décidé de tout plaquer à Buenos Aires pour espérer construire une belle et grande carrière à Las Vegas. Mais il avait également fui Buenos Aires pour s'éloigner de son chagrin, Jade occupait toujours ses pensées et il ne vivait plus. Et une autre fille, dont il ne voulait pas tomber amoureux à cause de Jade, occupait l'autre moitié de ses pensées. Il avait donc fui, à cause de ses sentiments. « Oui, on peut dire que c'est pour le boulot. Je travaille dans le cinéma, je suis scénariste en fait. Et je me suis dit que j'avais plus de chance de trouver des contrats à Las Vegas qu'en Argentine, donc j'ai tout plaqué pour venir ici. »

Mateo écoutait le récit d'Alana, rêveur. Elle avait effectivement beaucoup voyagé, à travers le monde même puisqu'elle ne s'était pas arrêté à l'Amérique latine dans son périple mais était allée jusqu'en Europe. L'Europe était un coin du monde que Mateo ne connaissait que trop peu. Il était allé à Paris, voir la tour Effeil alors qu'il n'avait que 6 ans peut-être, ses souvenirs en sont moindres. Et il s'était bien évidemment rendus en Espagne, famille oblige, pour rendre visite à des cousins éloignés, mais cela remontait également à l'enfance. Mais malgré tout, il avait visité pas mal de pays. Excepté la Russie et l'Argentine, pays dans lesquels il avait vécu, il s'était rendu au Burkina Faso, en Inde, au Mexique et tellement d'autres. C'était au moins ça l'avantage d'avoir un père producteur dans le monde du cinéma, Mateo le suivait partout dans le monde dès qu'il le pouvait. « Ah oui, tu as pas mal voyagé en effet. C'est bien. »

Enfin à la question suivante que lui posa Mateo, Alana lui répondit qu'elle ne savait pas tellement. Chacune des spécialisations possible ne l'enchantait pas plus que ça, ne se voyant pas passer toute sa vie à faire les mêmes choses encore et encore. Elle finit par lui dire qu'elle envisageait peut-être la médecine d'urgence, lui permettant ainsi d'accéder à plusieurs domaines. Mateo trouvait que c'était une bonne idée, après tout elle avait raison, de cette façon elle toucherait à tout et puis cela pouvait être très intéressant comme service. Puis la conversation suivit son cours, Alana était revenue ici parce qu'on lui offrait une belle opportunité mais elle n'avait failli pas revenir à cause de problèmes familiaux. Ce que Mateo trouvait regrettable. Il n'avait pas de soucis de ce côté là, sa famille était plus soudée que jamais. Malgré les kilomètres le séparant de son frère et de ses parents, ils étaient toujours autant proche. Mais bon, c'était surtout grâce à l'esprit espagnol qu'ils avaient, ils accordaient énormement d'importance à leurs racines, à leurs famille, c'était ainsi. « Oh je vois. La famille, ça peut être très délicat parfois. J'espère alors pour toi que tu ne croiseras pas cette fameuse personne ou que les problèmes se résoudront. »

Enfin Alana semblait impressionnée par ce que faisait Mateo. Pour lui, qui avait grandit dans ce milieu là, n'y trouvait plus rien d'extraordinaire. Il avait appris à vivre avec les caméras, la proximité des célébrités, la pression et tout ce qui va avec. Cela faisait parti de sa vie depuis des années déjà, avant même qu'il ne sache parler. Elle lui demanda s'il avait déjà écrit des scénario adapté au cinéma. Il hocha la tête, non sans retenir un sourire, il adorait parler de son métier puisqu'il l'adorait. « Oui, j'ai eu cette chance. Mais pas encore aux Etats-Unis. En Argentine, la plupart des scénarios que j'écrivais, c'était pour le cinéma. Mais depuis mon arrivée à Las Vegas, je travaille surtout sur des téléfilms ou des choses comme ça. Rien de bien fameux. » Enfin, tout était relatif pour lui.

S'il arrivait facilement à écrire ? C'était une question intéressante, à laquelle il prit le temps de réfléchir avant de répondre. « Et bien, cela dépend ce que j'écris. A vrai dire mon plus grand rêve est de devenir écrivain. J'ai à mon actif un livre que j'ai publié en Argentine, qui a fait sa petite place la-bas, mais mon rêve ce serait de ne vivre plus que de cela. Parce que les scénarios, j'adore les écrire, mais il y a trop de contraintes alors parfois, je suis vite bloqué. Mais bon, comme c'est avant tout une passion l'écriture, je dois tout de même avoué que c'est facile d'écrire, en effet. Ce qui est gênant, c'est juste l'absence de liberté dans l'écriture de scénario quoi.. »