Texas, 1993. ▽ « Maman, on va où ? » Comme n’importe quel enfant, elle était toujours curieuse. Qu’est-ce que c’est que ça ? Comment ? Pourquoi ? Enfin, toujours des questions de gamins. Mais cette question revenait souvent dans la bouche de la petite. D’ailleurs, Amy, la mère plutôt pressée et même paniquée au volant de sa voiture, répondit la gorge serrée. « On va en vacances Veronica. » Des vacances ? En plein milieu du mois de janvier ? Normalement, après les vacances de Noël, il faut aller à l’école et ça, la petite rousse était au courant même du haut de ses six ans. D’ailleurs, elle ressortit une question, qui glaça le sang de la jeune maman. « Et Papa ? » Un silence s’installa dans la voiture. Veronica voyait à travers le rétroviseur que sa maman pleurait, une nouvelle fois. Ça faisait déjà plusieurs semaines qu’elle se mettait à pleurer, même si elle disait qu’elle avait un truc dans l’œil. Elle avait beau être toute petite, mais elle n’était par contre pas aveugle. Quelque chose clochait. D’abord les coups de fils bizarres de son père, après les disputes quotidiens de ses parents, maintenant cette fuite au beau milieu de la nuit. Amy s’arrêta dans une station-service, et se tourna vers la rouquine après s’être nettoyée le visage rapidement. « Ton papa t’aime ma chérie mais .. il a d’autres choses plus importantes dans sa vie. » Ce qu’elle veut dire en fait, c’était que son père la trompait avec une femme qui valait apparemment plus que sa famille, puisque ce soir-là, il décida de lui demander le divorce. En effet, durant ces quelques semaines, Amy avait essayé de reconstruire son couple malgré la tromperie de son mari, mais en vain. « A présent, ça ne sera que toi et moi, pour toujours tu m’entends ? » Veronica regardait sa mère avec ses grands yeux verts sans rien dire puis elle finit par se lever pour l’enlacer dans ses bras sans rien dire, laissant sa mère pleurer en la serrant, comme si elle avait peur que la petite s’en aille, elle aussi.

Los Angeles, 2002. ▽ L’époque des pleurs était loin derrière elles. Maintenant, c’était Los Angeles, Stacy & Jude. Stacy & Jude ? Mais d’où sort ce changement d’identité ? Simplement parce que notre jeune maman avait trouvé un nouveau passe-temps, qui lui faisait rapporter de l’argent mais en même temps, elle était en bonne compagnie. En fait, celle-ci était devenue un genre d’escroc. Avec l’aide d’une de ses amies, elles dénichaient ensemble des hommes riches, s’informaient sur eux et faisaient en sorte de les faire tomber sous leur charme, jusqu’à trouver une excuse pour qu’ils les payent une somme considérable, avant de disparaître sous une nouvelle identité. Au départ, Jude n’en savait rien. Elle était une simple gamine qui passait son temps avec des garçons de son âge, parce que les filles sont trop garces entre elles. La rouquine était devenue une adolescente avec un fort caractère, mais ce n’est qu’à quinze ans que sa mère se décide à lui expliquer clairement pourquoi elles ne sont plus Veronica et Amy. Ça aurait pu choquer plus d’un, de savoir que sa mère s’amuse à piquer les sous de grands milliardaires, mais pour Jude, c’était totalement le contraire. Elle trouvait ça cool en fait. Au moins, le jeu était sans fin, encore mieux que les jeux vidéos. Mais, sa mère ne voulait pas la mêler à ça pour le moment. Elle lui avait montré quelques tours de passe-passe, seulement, elle ne voulait pas qu’elles deviennent complices. Si elle était devenue comme ça, c’était parce qu’elle n’avait pas de diplôme ni rien, alors que Jude avait toute sa vie devant elle pour obtenir un métier décent.

New York, 2005. ▽ « T’avais dit que la règle principale, c’était PAS D’ATTACHEMENT ! » « Ecoute-moi Jude .. » « Arrête, on est plus entrain de jouer, moi c’Veronica, VE-RO-NI-CA ! » Les escroqueries de sa mère les avaient conduites à New York. Elles durent fuir, par peur des retrouvailles avec les différents types à qui elle a volé cet argent. Elles réussirent à s’installer dans la Big Apple, sans soucis, toujours déterminés à prendre de l’argent à des gens riches qui ne font pas trop attention à leur compte bancaire. Mais, Jude aidait sa mère dans ses magouilles. Bien qu’elle soit au lycée, cela ne l’empêchait pas d’aller mettre son grain de sel dans les affaires de sa mère et de jouer avec ses marionnettes. Trois ans qu’elles complotent ensemble, à changer physiquement constamment, à s’imposer des règles pour ne pas se faire attraper. C’était une vie riche en émotions, et ça Jude adorait. Elle ne le changerait pour rien au monde. Ce qui n’était pas le cas de sa co-équipière. Elle avait alors dix-huit ans quand sa mère lui annonça qu’elle s’était finalement attachée à leur nouvelle proie. Qu’il n’était pas comme les autres, apparemment. Mais, Jude était contre. Cela voulait dire plus d’escroqueries, une vie normale. C’est bien ce qui lui faisait peur. Elle n’avait jamais connu le mode normal, c’était constamment des rebondissements, alors que là, ça sera le néant. Il était peut-être riche le futur fiancé de sa mère, mais Jude avait besoin d’action. De toute manière, qu’elle le veuille ou non, elle dut accepter ce mariage. C’était déjà mieux que de voir sa mère pleurer, comme il y a douze ans.

Las Vegas, 2010. ▽ « Et à quel nom sera la chambre ? » « Apple McFly, s’il vous plaît. » Vous l’avez compris, nouvelle ville, nouvelle identité, nouvelle vie. Sa mère avait dit que tout était à présent terminé, qu’elle avait été honnête avec son nouveau mari et qu’aucune de nous deux allait faire une nouvelle manigance. C’était peut-être le cas pour elle, mais pour la rouquine, c’était loin d’être terminé. Elle a fait semblant d’accepter et de vivre un quotidien normal, sans mensonge. Diplôme de langues en poche, Jude avait obtenu par la même occasion son billet de départ. Elle pouvait à présent s’occuper d’elle-même, d’après sa mère. Pour Jude, c’était une évidence. Elle aurait pu partir depuis longtemps, mais avant, il fallait obtenir la confiance de sa mère. Maintenant que c’était réussi, elle allait pouvoir faire ce qu’elle aime : escroquer. Passion étrange, mais amusante. Et la destination n’était pas choisie au hasard. En effet, Las Vegas était le lieu idéal pour trouver des hommes plein aux as. Puis, il paraît que ce qui se passe à Vegas reste à Vegas. :rosette :